Les réactions indésirables aux médicaments (RIM) sont définies par l’Organisation Mondiale de la Santé comme une réaction nocive et non voulue sur un principe actif, se produisant aux posologies normales utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic, le traitement d’une maladie ou la modification d’une fonction physiologique. Parmi les causes les plus fréquentes de RIM figure l’hypersensibilité aux médicaments (allergie médicamenteuse dans le langage courant). La plupart des hôpitaux utilisent un dossier médical informatisé pour informer les professionnels de la santé d’une hypersensibilité médicamenteuse ou autres allergies. Des enregistrements erronés ou imprécis peuvent entraîner une surcharge du système, résultant en des évictions injustifiées de molécules et finalement une augmentation des coûts de la santé.
A travers notre étude, nous nous sommes intéressés aux hypersensibilités documentées chez les patients hospitalisés au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Pour ce faire, nous avons mené une étude rétrospective sur les patients hospitalisés au moins 24 heures au CHUV entre 2011 et 2021. Après accord de la commission d’éthique du canton de Vaud, les données anonymisées ont été obtenues. Du fait de la possibilité de renseigner les allergies en utilisant une liste prédéfinie ou manuellement, les données ont été harmonisées à l’aide d’une base de données harmonisée des principaux allergènes. L’analyse statistique a été effectuée par la suite.
Parmi les 192'444 patients répondant aux critères d’inclusion, 16% avaient au moins une allergie référencée. Les allergies médicamenteuses représentaient 60% de toutes les alertes, principalement les antibiotiques béta-lactames (30%), les AINS (11%) et les produits de contraste iodés (7%). L’âge médian lors de la première hospitalisation et la durée d’hospitalisation étaient plus élevés dans le groupe des patients allergiques. Il y avait également plus de femmes dans ce groupe (ratio 2:1). Les réactions étaient limitées à la peau dans la majorité des cas et compatible avec une anaphylaxie dans 6% des cas. Chez ceux considérés comme allergiques aux béta-lactames, le coupable était mentionné dans 19% des cas autrement référencé comme « allergique à la pénicilline ». Il était impossible de différencier si la documentation se basait sur l’anamnèse ou suite à un bilan spécialisé.
Finalement, il découle de l’étude qu’un âge avancé, une durée d’hospitalisation plus longue et le sexe féminin augmentent le risque d’avoir une documentation d’allergie dans le dossier médical informatisé. Cette étude vise à établir un état des lieux concernant l’épidémiologie de l’allergie médicamenteuse dans une population hospitalière suisse. Les retombées sont multiples tant au niveau institutionnel qu’au niveau de la pratique médicale. Ce projet s’inscrit dans une volonté d’harmoniser la documentation des allergies sur le plan national et de faciliter l’échange de ces données entre les différents centres médicaux. Ainsi, nous espérons contribuer à une diminution de la morbidité et mortalité liés à une information inconstante et souvent non transmise entre les différents intervenants.